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De la terre à l’assiette

La création de liens entre les acteurs du territoire

participe aux changements

Par Stéphane Veyrat

Spécialiste de la conduite des projets territoriauxet éducatifs liant les productions agricoles, les structures de restauration collectiveet les acteurs du développement durable et de l’alimentation

Trouver aujourd’hui une juste répartition entre protéines animales et protéines végétales est non seulement nécessaire pour un autre équilibre planétaire, mais aussi pour des raisons bien terre à terre.

Les protéines végétales ont un rôle capital dans les cycles de vie d’une agriculture nourricière et d’une alimentation plaisir.

Les civilisations, les migrations, les écosystèmes sont là pour nous le rappeler chaque jour.

 

Ma première expérience d’animateur en milieu rural m’a amené à travailler dès 1992 sur le dossier de l’alimentation biologique en restauration collective avec comme principe majeur de permettre aux enfants de découvrir la diversité alimentaire d’un territoire. Nous avons créé le concept « manger bio » qui fut le point de départ de nombreuses initiatives en France. L’idée fondatrice était simple : l’introduction de produits bio de saison et de proximité était accompagnée d’une démarche éducative auprès des convives et des personnels de restauration.

Bien au-delà des enjeux de développement de l’agriculture biologique, nous nous sommes rendu compte de l’immense attente de remettre à l’ordre du jour de nombreux aliments qui avaient disparu ou devenaient anecdotiques à la « cantine ».

En 1996, lorsque nous éditons le premier manuel-classeur pour diffuser la démarche et donner des outils aux personnes désireuses de changer l’alimentation en restauration collective, nous avons aussi puisé une partie de notre argumentaire dans les travaux de Jean-Michel Lecerf et mis le cap sur le judicieux équilibre des protéines.Après cette démarche de pionnier, j’ai eu par la suite la chance et le bonheur d’initier et d’accompagner de nombreuses démarches visant l’amélioration alimentaire des assiettes de nos enfants en puisant sur les atouts de l’agriculture biologique et des territoires.

Mettre plus d’aliments issus des signes officiels de qualité, faire la place aux produits des territoires en rémunérant au juste prix les acteurs économiques, nous a rapidement amenés à regarder la part des protéines animales et leur provenance dans les menus.

Cette réalité s’est aussi complétée par un souci de cohérence avec les principes de l’agriculture écologique, des rotations des cultures et d’une méfiance vis-à-vis des aliments issus de la monoculture.

 

J’affectionne l’exemple du riz de Camargue dont la culture semble indispensable dans l’équilibre écologique de ce delta, mais dont l’effet agronomique est d’autant plus important si on le cultive en bio. Nous évitons bien sûr les produits phytosanitaires indésirables, mais nous récupérons des lentilles au passage par l’effet « rotation des cultures ».

 

En requestionnant la place que nous laissons aux produits de notre territoire et la façon dont nous achetons, nous amorçons un processus de changement qui peut nous conduire assez loin.

 

Des villes, des conseils généraux et régionaux le démontrent merveilleusement. L’association Un Plus Bio que je dirige est partenaire de plusieurs dispositifs qui ont tous en commun de modifier l’offre alimentaire et de faire évoluer les repas en mettant du bio, de la saison, de la proximité et pas n’importe quelle protéine animale.

Pour y arriver, les chemins sont multiples :

– Barjac mise sur une couveuse agricole à la Grange des Près pour ses œufs et sa viande de porc.

– Mouans-Sartoux investit dans sa régie agricole pour tenter l’autosuffisance en légumes bio et dans sa lutte contre le gaspillage alimentaire pour dégager une marge lui permettant d’acheter des protéines animales de qualité.

– La ville de Toulouse, bien qu’en étant en cuisine centrale avec 30 000 repas jour, a monté son approvisionnement en viande bovine avec un abattoir de son département et une provenance bio.

– Pour faire aboutir les changements préparés d’année en année, le conseil général du Gard a fermé ses cuisines centrales, remis une cuisine dans chaque collège et créé une légumerie départementale pour aider l’agriculture gardoise à entrer dans ses menus.

– Le conseil général des Pyrénées-Atlantiques conduit depuis trois ans un programme ambitieux pour que les produits de qualité entrent dans ses restaurants scolaires et les Ehpad. Des établissements se regroupent pour commander ensemble et bénéficier de protéines de qualité en rémunérant les agriculteurs au juste prix.

 

Ces démarches ont aussi en commun d’ouvrir de nouveaux horizons et de faire évoluer les métiers. Elles confirment aussi que derrière ces évolutions, il y a des choix politiques, souvent à notre portée.

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