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Pourquoi et comment se nourrir autrement ?

Donner aux cuisiniers et aux mangeurs des clefs de compréhension

et proposer de nouveaux savoir-faire

 

Par Gilles Daveau

Initiateur de la table ronde et spécialiste de la cuisine alternative

Compte tenu des représentations très fortes associées aux pratiques et aux goûts alimentaires, et du fait des enjeux économiques, la notion de « manger autrement » tend à focaliser les échanges sur les raisons qui la justifient (questions d’agriculture, de santé, de nutrition, d’environnement, de développement durable, d’éducation aux goûts, etc.). Mais les conditions pratiques d’une telle évolution sont cependant mal cernées et peu abordées.

Or « manger autrement » implique bien des apprentissages qui ne s’acquièrent pas si facilement

Il s’agit aussi de s’approvisionner, de concevoir des plats, de composer des repas et de cuisiner autrement. Les débats – lancés notamment par l’Inra lors du dernier SIA (Salon international de l’agriculture) sur le rééquilibrage et la complémentarité à encourager entre protéines animales et végétales dans l’alimentation humaine – soulignent par exemple la nécessité de lever des freins concernant l’acceptabilité des aliments riches en protéines végétales, légumineuses et céréales.

 

Outre l’image désuète de certains produits (les légumes secs, les grains), et les clichés de plats insipides ou indigestes, c’est aussi la crainte d’une radicalité végétarienne qui n’encourage pas à une meilleure connaissance et utilisation des protéines végétales, toujours suspectes de favoriser des régimes carencés. Dans ce contexte, la question technique des modes de préparation, du choix et de la forme des aliments, ou d’une typologie de plats adaptés à notre culture, relève souvent d’expériences particulières, de l’empirisme, avec des résultats inégaux et peu transférables.

Une longue expérience en restauration végétarienne pour tous types de publics (y compris en restauration collective), en interventions pédagogiques et en cours de cuisine, montre que l’intérêt et l’attente sont réels sous certaines conditions.

 

Il faut pouvoir donner du sens à une offre alternative sans focaliser sur un « moins de viande », mais sur le bénéfice d’une diversification alimentaire et sur des critères qualitatifs larges.

 

Actuellement en réédition aux éditions Acte Sud

Bien plus qu’un livre de recettes, il s’agit d’un guide pratique,
pédagogique et didactique où
Gilles Daveau donne les clefs d’une alimentation du quotidien recentrée
sur sa fonction
nourricière.

Il s’agit par exemple de (re)découvrir :

– des féculents à forte valeur nutritionnelle et la diversité des produits végétaux, complets, de saison, de productions qualitatives locales ;

– des outils culinaires adaptés à la vie quotidienne moderne ;

– des plats très économiques tout en contribuant à la santé et à la biodiversité ;

– des traditions de cuisines locales et du monde et de leurs savoir-faire ;

– un enrichissement sensoriel et gustatif.

 

La capacité à faire évoluer la cuisine de tous les jours demande également de s’affranchir de certains clichés gastronomiques :

la transmission de recettes mixtes (associant viande ou poisson et protéines végétales) ou végétariennes est peu efficace lorsque les produits sont mal connus et que les modes opératoires de base n’ont pas été définis.

 

Le changement culturel dont il est question à travers « manger autrement » vise en particulier :

– des apprentissages fondamentaux : modes de cuisson des produits végétaux, légumineuses, céréales ;

 

– la pratique d’une « pédagogie du pourquoi » qui permet de penser « autrement » sa cuisine dans les multiples contextes saisonniers, locaux, sociaux ;

 

– le partage d’un répertoire de types de plats génériques, simples et déclinables plus que de recettes occasionnelles ou spécifiques ;

 

– une réflexion pointue sur les facteurs de goûts dans la cuisine des végétaux.

 

S’agissant d’évolutions alimentaires avec une forte dimension culturelle et sociale, ces approches et transferts techniques sont indissociables des points de vue apportés par d’autres disciplines : sociologie des pratiques alimentaires, sensorialité, nutrition, pédagogie…

L’exemple d’un plat alternatif ou mixte :

Un crumble aux légumes d’automne

Un plat gratiné familial ou de collectivité qui comprend :

– des légumes cuisinés, par exemple une ratatouille ou un fondu de courge potimarron en fond de plat ;

 

– un appareil à crumble constitué de boulgour (blé concassé) ou autre céréale, mélangé avec des pois chiches (ou haricots) écrasés, éventuellement des noisettes hachées et un peu de fromage ;

 

– des émincés de viande ou de poisson en faible grammage peuvent éventuellement compléter le plat en termes d’apport nutritionnel, de goût et de dénomination (le plat est cependant équilibré sans ce supplément).

 

Ce type de plat est généralement bien accueilli, mais bien des questions émergent :

– Quels savoir-faire pour cuire les céréales et légumineuses de ce plat ? (Multiplicité d’approches empiriques.)

-

– Quels savoir-faire pour préparer les légumes et quels assaisonnements pour un plat satisfaisant, même sans viande ? (Sans recours massifs à la crème, aux condiments…)

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– Quels repères pour articuler un menu équilibré autour de ce plat ?

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– Question de la dénomination du plat et des produits peu connus : comment en parle-t-on ? (Famille, collégiens, étudiants, adultes, etc.)

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– Où trouve-t-on les produits peu connus (boulgour) ?

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– Quelles adaptations possibles suivant quels publics ?

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– Pour manger « autrement », doit-on toujours manger des graines, des produits peu connus, des produits bio ?

 

Autant de questions très peu envisagées, mais qui restent en toile de fond de ces évolutions alimentaires. Quels discours, quels repères, quels messages, quelle éducation, et surtout quel sens donner à ces « autres plats » ?

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